Le mur ou le ravin ?
La monnaie est un outil magnifique, magique même. Comme n’importe quel outil humain, il n’est ni bon ni mauvais par essence, c’est ce que nous en faisons qui détermine si l’action peut être jugée comme bonne ou mauvaise.
Un exemple d’illustration que j’affectionne est celui de la hache.
Une hache n’est ni bienveillante ni malveillante. Elle sert principalement à couper le bois pour alimenter les cheminées qui nous réchaufferont.
Si elle est utilisée pour couper de l’humain, elle pourra être qualifiée comme arme et l’intention en bien ou en mal sera fonction du contexte (assassinat de sang-froid vs légitime défense).
On peut également l’utiliser involontairement incorrectement. Couper de nouveau de l’humain, soi-même par exemple, en ratant sa cible sylvestre et en finissant dans sa jambe, j’ai soigné ce type de plaie.
Ce que je veux mettre en lumière est qu’avant même de parler de malveillance, même utilisé avec de bonnes intentions, un outil peut provoquer des dommages.
Les dommages sont évidemment proportionnels à la puissance de l’outil. Une monnaie est beaucoup plus puissante qu’une hache.
Je ne connais pas les intentions des individus qui gouvernent les outils monétaires, je ne m’aventurerais donc pas à juger s’ils sont bienveillants ou malveillants. En revanche, je peux vous partager leur choix et comment ils ont utilisé l’outil monétaire ainsi que les résultats qui en découlent.
1 – Qu’ont-ils choisi ?
D’augmenter la masse monétaire pour éviter les défauts de paiement. Défauts étatiques, bancaires et entrepreneuriaux.
Banque centrale américaine
https://www.federalreserve.gov/monetarypolicy/bst_recenttrends.htm
Sans refaire toute l’histoire de la monnaie, voici quelques étapes clefs :
– La fin des accords de Bretton Woods le 15 août 1971. Ils correspondent à la suspension (annoncée temporaire par le Président Nixon…) de la convertibilité du dollar en or.
Les USA ne pouvaient plus assumer cette convertibilité car il existait déjà trop de dollars papier en circulation par rapport aux quantités d’or en réserve. Il s’agit bien d’un défaut de paiement en monnaie or. Depuis cette date, nos monnaies originelles n’ont plus de contrainte physique et leurs quantités sont potentiellement infinies (Cf Article précédent).
– La crise de 2008, survenue à la suite de décennies de mésusage de la monnaie dette. La prise de risque inconsidérée des banques commerciales aurait dû entraîner de nombreuses faillites bancaires, pas seulement celle de Lehman Brothers. Elles ont été évitées grâce à la création et l’utilisation de la monnaie originelle des banques centrales qui combla les pertes.
– La crise COVID. Comment stopper l’économie sans assumer les faillites d’entreprises que cela provoque mécaniquement ? Réponse : créer une quantité délirante de monnaie originelle au sein des banques centrales puis, la distribuer sous forme de prêt aux entreprises forcées à l’arrêt. Quand suffisamment de temps est passé, “donner le choix” à ces entreprises de rembourser ou de déposer le bilan. Cela vous confère également un nouveau pouvoir sur les entreprises débitrices. Vous pouvez en aider certaines (report, étalonnement ou effacement de la dette) et en tuer d’autres (exigence de remboursement immédiat, matérialisation de la faillite).
2.Quelles conséquences ?
L’augmentation de la masse monétaire, également appelée inflation, provoque tôt ou tard une augmentation des prix. Pas parce que les biens et services augmentent en qualité, mais parce que la monnaie en circulation perd en valeur, perd en pouvoir d’achat secondairement à cette dilution.
Il y a bien sûr plusieurs stades inflationnistes avant le stade terminal de l’hyperinflation.
Ce stade ultime correspond en fait à la destruction de la monnaie, de sa valeur et de la confiance du groupe.
Les biens et les services ne disparaissant pas (sauf guerre nucléaire absolue évidemment), si l’outil monétaire devient défaillant, le groupe en choisit un nouveau et repart sur un cycle.
Tout ceci prend évidemment beaucoup de temps, nous parlons ici d’une temporalité sociétale parfois civilisationnelle. Tous ces phénomènes se sont déjà produits, il existe de nombreux exemples notamment dans l’Empire romain.
Les empereurs récupéraient de petits fragments d’or ou d’argent sur les pièces existantes en circulation (dévaluation) pour en frapper de nouvelles (inflation), jusqu’à ce que plus personne n’ait confiance en ces pièces et que le leader se fasse assassiner ou remplacer. Le nouveau César définissait alors une nouvelle monnaie et frappait de nouvelles pièces avec une quantité renforcée de métaux précieux.
https://www.reddit.com/r/dataisbeautiful/comments/jv7cay/comment/gchv6cr/
Détruire la valeur de la monnaie entraîne des troubles sociaux car le groupe finit par se rendre compte qu’il est abusé. Au passage, une des meilleures solutions pour les abuseurs d’éviter que le groupe ne se retourne contre eux est de pousser le groupe contre un autre groupe. La guerre est malheureusement une autre constante dans notre histoire.
3. Quels choix ont-ils aujourd’hui ?
– Le mur : Stabiliser voire diminuer la masse monétaire. C’est ce qu’ils essaient de faire à l’heure où j’écris ces lignes, le fameux QT (Quantitative Tightening). Cela entraînera la matérialisation des diverses faillites que l’outil monétaire a permis de décaler dans le temps (faillites bancaires, d’entreprises, d’État ?)
– Le ravin : Poursuivre la fuite en avant. Refuser ces faillites, poursuivre l’illusion monétaire en continuant de combler les trous grâce à la monnaie originelle des banques centrales créée ex nihilo.
Comprenez bien que cette monnaie créée de nulle part, si elle n’appartient à personne au départ, c’est qu’elle appartient à tout le monde.
La contrepartie de cette création est une petite perte de pouvoir d’achat pour chaque individu dans le groupe, si nous étions encore avec des pièces d’or ou d’argent, c’est comme si elles contenaient un peu moins de métaux précieux d’un instant à l’autre. C’est un véritable tour de magie, permis par la dématérialisation de la monnaie et de son registre qui est contrôlé par la banque centrale sur un ordinateur.
Ensuite, ceux qui ont créé cet argent nouveau, le distribuent à qui ils souhaitent. J’en profite pour remercier Anice Lajnef qui m’a aidé à comprendre ce phénomène.
Cela fonctionnera jusqu’au jour où les gens se détourneront de cette monnaie et ne l’accepteront plus comme moyen d’échange. Cela signera sa destruction finale et notre arrivée au sol au fond du ravin.
Nous vivons des temps inédits, jamais dans toute l’histoire de l’humanité, nous n’étions allés jusqu’au taux négatif. Je ne développerai pas plus dans cet article, sachez qu’il s’agit d’une astuce pouvant contribuer à prolonger cette illusion monétaire.
https://abc-economie.banque-france.fr/sites/default/files/medias/documents/taux-negatifs_08_2022.pdf
Je pense qu’ils choisiront le ravin. À moins qu’ils aient trouvé un groupe sur lequel jeter notre groupe, le choix du mur pourrait alors précipiter l’affrontement.
Tout cela reste de la spéculation, il est toujours possible qu’ils aient touché la jambe à la place de la branche, non ?
Gabriel Paré
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Le mur ou le ravin ?
La monnaie est un outil magnifique, magique même. Comme n’importe quel outil humain, il n’est ni bon ni mauvais par essence, c’est ce que nous en faisons qui détermine si l’action peut être jugée comme bonne ou mauvaise.
Un exemple d’illustration que j’affectionne est celui de la hache.
Une hache n’est ni bienveillante ni malveillante. Elle sert principalement à couper le bois pour alimenter les cheminées qui nous réchaufferont.
Si elle est utilisée pour couper de l’humain, elle pourra être qualifiée comme arme et l’intention en bien ou en mal sera fonction du contexte (assassinat de sang-froid vs légitime défense).
On peut également l’utiliser involontairement incorrectement. Couper de nouveau de l’humain, soi-même par exemple, en ratant sa cible sylvestre et en finissant dans sa jambe, j’ai soigné ce type de plaie.
Ce que je veux mettre en lumière est qu’avant même de parler de malveillance, même utilisé avec de bonnes intentions, un outil peut provoquer des dommages.
Les dommages sont évidemment proportionnels à la puissance de l’outil. Une monnaie est beaucoup plus puissante qu’une hache.
Je ne connais pas les intentions des individus qui gouvernent les outils monétaires, je ne m’aventurerais donc pas à juger s’ils sont bienveillants ou malveillants. En revanche, je peux vous partager leur choix et comment ils ont utilisé l’outil monétaire ainsi que les résultats qui en découlent.
1 – Qu’ont-ils choisi ?
D’augmenter la masse monétaire pour éviter les défauts de paiement. Défauts étatiques, bancaires et entrepreneuriaux.
Banque centrale américaine
https://www.federalreserve.gov/monetarypolicy/bst_recenttrends.htm
Sans refaire toute l’histoire de la monnaie, voici quelques étapes clefs :
– La fin des accords de Bretton Woods le 15 août 1971. Ils correspondent à la suspension (annoncée temporaire par le Président Nixon…) de la convertibilité du dollar en or.
Les USA ne pouvaient plus assumer cette convertibilité car il existait déjà trop de dollars papier en circulation par rapport aux quantités d’or en réserve. Il s’agit bien d’un défaut de paiement en monnaie or. Depuis cette date, nos monnaies originelles n’ont plus de contrainte physique et leurs quantités sont potentiellement infinies (Cf Article précédent).
– La crise de 2008, survenue à la suite de décennies de mésusage de la monnaie dette. La prise de risque inconsidérée des banques commerciales aurait dû entraîner de nombreuses faillites bancaires, pas seulement celle de Lehman Brothers. Elles ont été évitées grâce à la création et l’utilisation de la monnaie originelle des banques centrales qui combla les pertes.
– La crise COVID. Comment stopper l’économie sans assumer les faillites d’entreprises que cela provoque mécaniquement ? Réponse : créer une quantité délirante de monnaie originelle au sein des banques centrales puis, la distribuer sous forme de prêt aux entreprises forcées à l’arrêt. Quand suffisamment de temps est passé, “donner le choix” à ces entreprises de rembourser ou de déposer le bilan. Cela vous confère également un nouveau pouvoir sur les entreprises débitrices. Vous pouvez en aider certaines (report, étalonnement ou effacement de la dette) et en tuer d’autres (exigence de remboursement immédiat, matérialisation de la faillite).
2.Quelles conséquences ?
L’augmentation de la masse monétaire, également appelée inflation, provoque tôt ou tard une augmentation des prix. Pas parce que les biens et services augmentent en qualité, mais parce que la monnaie en circulation perd en valeur, perd en pouvoir d’achat secondairement à cette dilution.
Il y a bien sûr plusieurs stades inflationnistes avant le stade terminal de l’hyperinflation.
Ce stade ultime correspond en fait à la destruction de la monnaie, de sa valeur et de la confiance du groupe.
Les biens et les services ne disparaissant pas (sauf guerre nucléaire absolue évidemment), si l’outil monétaire devient défaillant, le groupe en choisit un nouveau et repart sur un cycle.
Tout ceci prend évidemment beaucoup de temps, nous parlons ici d’une temporalité sociétale parfois civilisationnelle. Tous ces phénomènes se sont déjà produits, il existe de nombreux exemples notamment dans l’Empire romain.
Les empereurs récupéraient de petits fragments d’or ou d’argent sur les pièces existantes en circulation (dévaluation) pour en frapper de nouvelles (inflation), jusqu’à ce que plus personne n’ait confiance en ces pièces et que le leader se fasse assassiner ou remplacer. Le nouveau César définissait alors une nouvelle monnaie et frappait de nouvelles pièces avec une quantité renforcée de métaux précieux.
https://www.reddit.com/r/dataisbeautiful/comments/jv7cay/comment/gchv6cr/
Détruire la valeur de la monnaie entraîne des troubles sociaux car le groupe finit par se rendre compte qu’il est abusé. Au passage, une des meilleures solutions pour les abuseurs d’éviter que le groupe ne se retourne contre eux est de pousser le groupe contre un autre groupe. La guerre est malheureusement une autre constante dans notre histoire.
3. Quels choix ont-ils aujourd’hui ?
– Le mur : Stabiliser voire diminuer la masse monétaire. C’est ce qu’ils essaient de faire à l’heure où j’écris ces lignes, le fameux QT (Quantitative Tightening). Cela entraînera la matérialisation des diverses faillites que l’outil monétaire a permis de décaler dans le temps (faillites bancaires, d’entreprises, d’État ?)
– Le ravin : Poursuivre la fuite en avant. Refuser ces faillites, poursuivre l’illusion monétaire en continuant de combler les trous grâce à la monnaie originelle des banques centrales créée ex nihilo.
Comprenez bien que cette monnaie créée de nulle part, si elle n’appartient à personne au départ, c’est qu’elle appartient à tout le monde.
La contrepartie de cette création est une petite perte de pouvoir d’achat pour chaque individu dans le groupe, si nous étions encore avec des pièces d’or ou d’argent, c’est comme si elles contenaient un peu moins de métaux précieux d’un instant à l’autre. C’est un véritable tour de magie, permis par la dématérialisation de la monnaie et de son registre qui est contrôlé par la banque centrale sur un ordinateur.
Ensuite, ceux qui ont créé cet argent nouveau, le distribuent à qui ils souhaitent. J’en profite pour remercier Anice Lajnef qui m’a aidé à comprendre ce phénomène.
Cela fonctionnera jusqu’au jour où les gens se détourneront de cette monnaie et ne l’accepteront plus comme moyen d’échange. Cela signera sa destruction finale et notre arrivée au sol au fond du ravin.
Nous vivons des temps inédits, jamais dans toute l’histoire de l’humanité, nous n’étions allés jusqu’au taux négatif. Je ne développerai pas plus dans cet article, sachez qu’il s’agit d’une astuce pouvant contribuer à prolonger cette illusion monétaire.
https://abc-economie.banque-france.fr/sites/default/files/medias/documents/taux-negatifs_08_2022.pdf
Je pense qu’ils choisiront le ravin. À moins qu’ils aient trouvé un groupe sur lequel jeter notre groupe, le choix du mur pourrait alors précipiter l’affrontement.
Tout cela reste de la spéculation, il est toujours possible qu’ils aient touché la jambe à la place de la branche, non ?
Gabriel Paré
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2 commentaires
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Excellente mise en bouche, c”est tentant pour la suite !…
Excellente mise en bouche, c”est tentant pour la suite !…
Merci :)